Les habitants de la rue du Progrès à Bruxelles menacés d’expulsion
mardi 22 février 2011
"Flux entrants et Flux sortants"
Les “flux entrants†, ce sont les ménages à haut rendement fiscal que le Plan de Développement International de Bruxelles tente d’attirer dans la “capitale de l’Europe »â€ qui est avant tout la capitale... de ses habitants ! Les “flux sortants, ce sont les classes populaires. Comme pour sou- ligner ces ambitions communes aux décideurs publics et privés, la banque Delta Lloyd, implantée au Quartier Midi sur les ruines d’un quartier populaire, vient d’annoncer qu’elle fermait les comptes de tous ménages disposant de moins de... 70 000€ d’épargne ! Les classes moyennes sont touchées et es luttes populaires s’en trouvent relancées. Après la bataille du Quartier Midi, où l’habitat populaire a été détruit pour construire des lofts et des bureaux, une autre bataille se déroule à la rue du Progrès. Voilà maintenant bientôt 5 ans que ses habitants vivent sous la menace d’une expropriation. Pour gagner quelques minutes en séparant le trafic ferroviaire lent du trafic ferroviaire rapide, 80 ménages qui ne prendront jamais le train du progrès et 28 maisons doivent déguerpir ! Ils ont formé un comité de quartier qui exige de pouvoir rester ou qu’au moins les bandits de grand chemin de fer payent les externalités générées par leur projet de développement économique qui permettra aux “flux sortants†de venir travailler à Bruxelles sous la direction des “flux entrants†! À savoir la reconstruction dans le quartier de la superficie de logements détruite aux fins de relogement des habitants. Pas de délogement sans relogement !
Reportage de Patrick Taliercio
Interpellation au conseil communal de Schaerbeek du 23 février 2011 par les habitants du Comité Progrès-Nord
Nous les habitants de la rue du Progrès des n° 214 à 270, sommes sous le coup d’un risque d’expulsion en raison d’un projet d’Infrabel qui démolit nos maisons. Voilà 6 ans maintenant, que la plupart d’entre nous, propriétaires comme locataires, sommes dans l’incertitude quant au fait de savoir si dans 2 ans nos maisons seront encore debout. Bien que nos situations et nos parcours soient très divers, nous sommes conscients que nous avons un objectif commun à défendre face au projet d’Infrabel, celui de la préservation d’un droit fondamental : notre droit au logement. C’est pourquoi nous nous sommes constitués en comité pour porter nos revendications auprès de la commune qui est le premier interlocuteur chargé de défendre ce droit au logement.
Nous souhaitons rappeler que nous contestons le bien fondé du projet dit Quadrilatère Nord tel que proposé par Infrabel. Jamais Infrabel lors des quelques réunions qu’il a organisé, il y a maintenant plus de deux ans, ne nous a expliqué clairement pourquoi il était nécessaire de démolir nos habitations pour améliorer la mobilité ferroviaire dans Bruxelles. Nous avons eu vent de nombreux recours aboutis contre les projets d’Infrabel, démontrant que les solutions proposées par cette opérateur n’étaient pas toujours les plus pertinentes. Des alternatives existent qui permettent d’améliorer l’exploitation ferroviaire dans le Quadrilatère sans provoquer la destruction d’un pan entier de rue habité par près de 85 ménages, notamment la construction d’un viaduc en intérieur de voie. Ces alternatives ont été écartées par Infrabel, pour des raisons de durée de chantier, de coà »ts plus importants et de perturbations des lignes pendant le chantier, inconvénients que nous considérons comme mineurs au regard d’une expulsion de 200 habitants. D’autant que la presse a évoqué à plusieurs reprises le fait qu’Infrabel allait devoir envisager à court terme une solution beaucoup plus globale pour répondre à la saturation de la Jonction Nord-Midi. On nous expulse en attendant mieux ! Nous exigeons un vrai droit au logement !
Alors qu’au début de ce dossier, en 2005, la commune semblait avoir pris fait et cause pour ses habitants, nous avons ressenti un changement d’orientation de la part de la commune : elle se contente d’aménager les conditions pour faciliter le départ des habitants en négociant des indemnités qui sont loin d’être suffisantes pour garantir un vrai droit au logement.
Vu que le permis n’est pas encore délivré, il est encore temps que la commune exerce son devoir de protection vis-à -vis de ses habitants. Nous prions instamment la commune pour qu’elle fasse, dès à présent, pression sur la Région pour contester le bien fondé d’un projet qui entraîne la démolition d’habitations et l’expulsion de leurs occupants.
Au cas où les autorités persisteraient dans leur volonté de démolir les logements, la commune doit faire pression sur la Région pour que celle-ci refuse de délivrer le permis du Quadrilatère Nord aussi longtemps qu’aucune garantie ne sera exigée d’Infrabel pour qu’il s’engage à reconstruire, dans le quartier, l’équivalent du logement démoli par son projet et à y reloger les habitants expulsés. Faire droit à cette garantie est la seule façon de compenser le dommage majeur causé par le projet.
Cette demande est d’autant plus fondée que, dans sa déclaration de clôture du 6 juin 2008, le Comité d’accompagnement du projet composé de la commune et d’administrations régionales, a considéré qu’il était « indispensable qu’une convention préalable au permis impose la reconstruction d’une quantité équivalente de logements dans la zone et que le permis d’urbanisme soit conditionné par la signature de cette convention. Idéalement, la reconstruction dans la zone devrait être réalisée avant démarrage du chantier  ». Cette condition est la seule façon de s’assurer de l’application du principe « Pas de délogement sans relogement  » et de permettre le relogement des habitants à des conditions financières similaires à celles qu’ils connaissent dans leur quartier.
Infrabel a introduit sa demande de permis il y a plus de cinq ans, ce qui laissait largement le temps à Infrabel et aux pouvoirs publics de prévoir la reconstruction de logements dans le quartier. Le Plan Régional d’Affectation du Sol n’autorise de démolir des habitations en zone affectée aux logements qu’à condition de reconstruire dans la zone une surface équivalente à celle démolie. Etonnamment, la commune s’est rangée au côté d’Infrabel pour donner une autre interprétation au Plan qui n’obligerait pas à la reconstruction de logements.
Nous demandons que la commune recherche activement, éventuellement en collaboration avec la Ville de Bruxelles, un ou plusieurs terrains dans le quartier susceptible d’accueillir les logements à construire. Il est étonnant, au vu du nombre d’années écoulées depuis l’introduction du projet, qu’aucune recherche de terrains plus active n’ait été accomplie par la commune alors que dès 2006 la Ministre Dupuis signalait q’elle allait entamer des négociations avec Infrabel pour que les logements démolis soient compensés ailleurs.
Nous exigeons que les logements reconstruits permettent de reloger tant les locataires que les propriétaires ainsi que les occupants précaires qui souhaitent rester dans le quartier. Ces logements devraient être pris en charge par un opérateur public et être accessibles aux prix du logement social ou du logement acquisitif public. Nous exigeons un meilleur droit à l’information
Depuis début 2009, ni Infrabel ni la commune n’ont plus organisé aucune réunion d’informations à l’attentions des habitants. Nous sommes laissés dans l’ignorance la plus totale. La commune affirme à la presse avoir distribué de nombreux toute-boîte d’informations. Or plus aucun toute-boîte n’a été distribué depuis 2 ans.
Nous exigeons que la commune organise rapidement une réunion d’information à l’attention des locataires, occupants à titre précaire et des propriétaires afin de leur faire part de l’état d’avancement du dossier et des droits qu’ils peuvent faire valoir pour défendre leur situation au regard des différents engagement pris à ce jour par Infrabel. Nous demandons également que la commune ne se contente pas de la mise en place de procédures d’accompagnement individuel qui empêchent les habitants de se concerter et d’avoir une vue d’ensemble de leur situation. Nous souhaitons que les associations qui ont encadré la création du comité soient également invitées à ces réunions de façon à ce qu’elles puissent poursuivre leur travail de soutien aux habitants.
Nous exigeons une transparence totale dans la procédure de rachat des habitations. Les habitants doivent savoir quels ont été les biens vendus et pour quel montant (prix au m2). En effet, une procédure d’expulsion aussi massive a un caractère public qui ne peut se prévaloir du secret des négociations de nature privée. Cette transparence est la seule façon d’assurer un traitement équitable des différents occupants.
Nous exigeons que tous les locataires bénéficient d’un traitement équitable et non à deux vitesses, comme c’est le cas actuellement, en fonction du fait que leurs propriétaires ont déjà vendu ou non leur bien à Infrabel ou en fonction du fait qu’il s’agirait de locataires arrivés après la signature de la convention d’accompagnement signée par Infrabel. Plusieurs régimes coexistent actuellement, créant une inégalité injustifiée entre les locataires.
Alors qu’une convention a été passée entre Infrabel et la commune et qu’un règlement a été approuvé par la commune fixant le montant des indemnités, de nombreux locataires ont reçu à ce jour une indemnité inférieure à ce prescrit. Infrabel fait signer aux habitants des conventions par lesquelles ils renoncent à leurs droits s’ils acceptent cette indemnité. Dans ces conventions Infrabel affirme qu’il n’est pas tenu de respecter ses obligations de propriétaire avec le risque de laisser les locataires dans des habitations qui se dégradent de plus en plus. Toutes ces négociations se passent alors qu’Infrabel ne dispose encore d’aucun permis, comme si le projet et la démolition étaient un fait acquis.
Nous vous remercions de nous avoir écouté. Nous souhaitons des réponses claires et précises à nos demandes.
Les habitants du Comité Progrès-Nord